Design graphique hyperosmique

Experimentation
Personal Work	2015

Pour le titre de ce mémoire, je me suis emparée de l’hyperosmie ; une augmentation des capacités olfactives. Le choix d’associer une pathologie au design graphique, met en lumière l’aspect humain et sensoriel que propose ma recherche de designer graphique.
La juxtaposition ; Design graphique hyperosmique, annonce ainsi le mélange de ces deux perceptions sensorielles.
Révéler la sensibilité olfactive d’un spectateur face à un support étant ma principale préoccupation, l’hyperosmie semble parfaite pour résumer mon intention de concevoir un Design graphique aux capacités olfactives accrues.

Les odeurs, invisibles et volatiles, agressives ou apaisantes, sont autant d’émanations qui nous permettent d’appréhender nos contextes au quotidien.
L’odorat utilisé initialement pour pouvoir chasser et s’informer était directement lié à une fonction de survie. On le considère parfois à tort, de nos jours, comme ayant une fonction plus «futile» et hédonique.
Pourtant il faut savoir que l’odorat possède la mémoire la plus directe, les odeurs inhalées atteignent directement le cerveau émotionnel, qui gère notre affect et qui réceptionne et mémorise nos émotions. Ce qui explique pourquoi l’odorat est le sens qui procure les émotions les plus intenses et directes.

Nous vivons dans une société occidentale progressivement dominée par les nouvelles technologies dans laquelle le designer graphique peut souhaiter réintroduire du sensible, re-solliciter les sens, les souvenirs et les émotions qui y sont attachées.
Bien au delà de ces aspects d’ordre affectif, nombreuses sont les questions liées à l’archivage numérique. Il convient peut-être de refaire confiance et de stimuler les potentialités naturelles de l’individu ; notamment de ses capacités cognitives.

Le designer peut ainsi participer à produire du sensitif, du sensible. Il ne s’agit pas d’une démarche passéiste qui nierait les extraordinaires progrès menés par les nouvelles technologies, mais d’une position qui souhaiterait continuer à s’attacher à cette part de l’individu qu’est l’affect.
L’odorat étant justement un sens intimement lié à l’affect de par son fonctionnement et les réminiscences qu’il suscite, me semble être un excellent médium. Il permettrait de solliciter l’aspect fondamental de la mémoire olfactive dans notre monde où la vision est prédominante.
Dans le cadre de ce mémoire, je vais essayer dans ma pratique du graphisme de mettre en jeu d’autres médiums, d’autres outils que ceux « traditionnellement » utilisés, toujours dans une démarche sensible.

Dans le graphisme, dès lors que l’on envisage l’ajout d’un sens à celui de la vision, on pense tout de suite au son (l’association son/image étant le système multimédia le plus répandu).
Des débuts prudents, m’ont permis de trouver rapidement des chercheurs qui se sont fait l’écho de mes préoccupations, ce qui m’a aidée à identifier des points d’appuis sérieux et précieux qui confortent ma recherche et ma curiosité.
Même si le média olfactif n’a pas, ou peu, été développé dans le design graphique, quelques plasticiens et scientifiques ont commencé à le questionner. La communication sensorielle, qui consiste à marquer l’esprit et agir sur l’humeur, m’aidera à voir les bénéfices, fonctions et effets de l’odeur : en isolant bien sûr, l’aspect mercantile de cette pratique.

Compte tenu du sujet choisi, je me suis aussi appuyée sur des recherches et articles liés à l’olfaction, comme, par exemple, ceux proposés par Natalie Bouchard et Agnes Foiret. Ce type d’appuis m’a permis dans un premier temps, de prendre connaissance des particularités de l’odeur et de l’odorat. Puis j’ai contacté des chercheurs spécialisés en Psychologie et NeuroCognition, ou encore en biologie moléculaire et médicale, pour valider l’idée d’une valeur ajoutée de l’odeur dans le graphisme. Car les expérimentations scientifiques permettent d’identifier les différentes fonctions possibles, mais surtout nous montrent bien comment les odeurs communiquent.

Ce rapide état des lieux du sujet fait émerger déjà les questions suivantes :
– Entre les deux territoires lequel augmente l’autre?
– Qu’apporte à un designer la possibilité d’associer et combiner médias visuels et olfactif?
– En tant que designer graphique, peut on solliciter la mémoire olfactive ?
– Peut on partir d’un matériau et de son odeur pour designer un support ?

S’intéressant aux spécificités et fonctions de l’odeur, comment le designer graphique peut il créer de nouvelles expériences sensibles, et ainsi augmenter les qualités de réception d’un message ?

Je vais tenter dans ma recherche de répondre à ce questionnement. Dans un premier temps, en explorant les fonctions et caractéristiques de l’odeur, puis en m’intéressant de près à ses pouvoirs, dont je vais me saisir. Une analyse de la communication olfactive me permettra d’approfondir les précédents acquis et ainsi de discerner les enjeux et objectifs de l’odeur dans cette pratique.

Cette partie réflexive et théorique aura pour objectif de baliser et resserrer le champ des possibles. Elle me laisse apercevoir ce que l’odeur pourrait apporter au design graphique.
Je vais donc questionner l’image de l’odeur et l’odeur de l’image et entreprendre des expérimentations qui donneraient à voir et à sentir, puis en évaluer la portée. En tant que designer graphique le dessein de ces recherches et expérimentations sera de m’adresser aux sens plus qu’à la raison, à l’affect au delà de l’information, d’interroger les potentialités mnésiques de l’odeur et de cerner en quoi, à notre époque elle réinterroge les capacités cognitives de l’individu.

Ma recherche, mes expériences qui mêlent odeur et image, me permettront d’envisager les possibles de l’odeur dans le design graphique : ses enjeux et valeurs ajoutées, puis ses transferts possibles dans des projets.